Le mécénat au chevet des hôpitaux
À l’heure de la raréfaction des crédits publics, les établissements publics sont confrontés à des diminutions de leurs dotations. Il leur faut alors faire preuve d’imagination pour trouver des fonds qui viennent compenser ces baisses. Si certains, comme les musées, ont depuis longtemps développé une tradition de recherche de mécénat, d’autres établissements sont aujourd’hui en train de considérer cette possibilité. C’est le cas notamment des hôpitaux. Le CHU de Rennes a très récemment lancé une campagne de mécénat assez médiatique, en créant un fonds de dotation, baptisé Nominoë.
La santé, secteur majeur du mécénat
La santé est un secteur en plein développement dans les pratiques de mécénat des entreprises, comme le montre l’enquête Admical-CSA 2014. Ainsi, ce secteur représente 28% des entreprises mécènes, pour une part de 16% du budget, soit un montant de 448 millions d’euros. Selon le commentaire de l’enquête, la santé représente en effet un secteur consensuel pour les entreprises qui choisissent d’y affecter des dons. Cela véhicule un caractère innovant de l’entreprise mécène, une capacité à prendre des risques, et motive ainsi 32% des grandes entreprises, 30% des TPE et 23% des PME. Elle se hisse même à la seconde place dans le choix des secteurs auxquels sont alloués les fonds, représentant la seconde part dans le montant global du mécénat. Un signe encourageant pour les hôpitaux qui se lancent dans des campagnes de levées de fonds, destinant les sommes récoltées à des projets consacrés à financer soit un accompagnement des patients, soit l’amélioration de la recherche, ou encore un meilleur accès aux soins les plus pointus.
Quelques exemples
Le cas le plus emblématique, ou à tout le moins le plus médiatique du moment est sans doute celui du CHU de Rennes, qui a créé début juillet son fonds de dotation Nominoë. But de départ : « mobiliser les acteurs économiques bretons pour offrir aux patients le meilleur de la santé ». Bien que le CHU soit à l’équilibre financier, il a besoin de trouver des fonds pour des projets innovants et relevant de la médecine de pointe. Ainsi, ce fonds a pour objectif la création d’une biobanque, le financement d’équipement de haute technologie pour renforcer les liens entre parents et enfants prématurés, mais aussi dans le domaine de l’imagerie pour des diagnostics plus précis. L’hôpital Necker, les CHU de Saint-Omer, de Poitiers et bien d’autres se sont même dotés de pages internet et/ou de services dédiés au mécénat. Le CHU de Nîmes quant à lui, a choisi de consacrer une somme offerte par AG2R La Mondiale au développement d’un programme original de rééducation à travers les jeux vidéo.
Le financement de la santé par le mécénat
Le Nouvel Observateur interrogeait à ce propos Jacques Touzard, directeur d’hôpital. Ses propos rappelaient l’importance de gérer les questions éthiques qui se posent nécessairement en acceptant de financer l’hôpital public à travers la générosité privée et le mécénat. Il pointe d’abord le fait que les hôpitaux connaissent d’importants problèmes financiers pour la plupart, et que leur structure juridique d’établissement public administratif les empêche de se recapitaliser. Il souligne ensuite un point important : l’articulation du mécénat dans les hôpitaux avec les principes du service public et les lois de Rolland qui les définissent. Bien que la question soit légitime, les réponses qu’apporte M. Touzard peuvent sembler pessimistes : en effet, il s’inquiète des effets que pourrait avoir le mécénat sur les principes mêmes du service public. Or, jusqu’à preuve du contraire, le mécénat est utilisé par les établissements publics, notamment dans la culture, sans pour autant constituer une violation des principes du service public. Il suffit que les institutions bénéficiaires soient vigilantes dans leurs relations avec les mécènes, et qu’elles refusent de se laisser dicter la conduite de leurs programmes par ces derniers.
Le dernier point abordé est celui des contreparties. En effet, il est difficile d’envisager quelles contreparties pourraient être imaginées pour les mécènes des hôpitaux : les établissements de santé ne sont pas forcément les plus à-mêmes de proposer des offres attractives pour les entreprises qui les choisiraient comme bénéficiaires. En plus du dispositif fiscal, toujours attractif, des retombées en termes de communication sont probablement les contreparties les plus logiques. Ce qui rapproche finalement le mécénat destiné aux hôpitaux de la philanthropie classique, qui représente un don sans attente de retour.
C’est finalement peut-être le moyen le plus légitime d’ouvrir le financement de l’hôpital public par la personne privée.
Pierre Joffre
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